« La réflexion sur l’avenir n’a de sens que si elle est permet de mieux réfléchir sur le présent et les tendances qui le façonnent »
(FB - 1998)
« Les forces anti-démocratiques et xénophobes de l’Europe ont toujours été attirées par le rêve d’unité européenne, la mystique de la Rome impériale »
(FB - 1998)
" Etre citoyen est un acte bénévole "
(FB - 2009)

Focus: la BCE a 25 ans ! « Demain l’Euro » – de l’Euro-monnaie à l’Euro-citoyenneté (Franck Biancheri, 1997)

Christine Lagarde, 2023: « L’euro est plus qu’une monnaie, déclare Christine Lagarde, présidente de la BCE. Il constitue la forme la plus forte de l’intégration européenne et représente une Europe unie qui travaille ensemble, protégeant et bénéficiant à tous ses citoyens. La BCE, par son engagement en faveur de la stabilité des prix, sera toujours une pierre angulaire de ces efforts. » (ECB, 24/05/2023)

 

Franck Biancheri, 1997: « l’Euro n’est qu’un instrument »
Le passage à la monnaie unique constitue non seulement le plus vaste défi économique et monétaire que l’Union Européenne n’ait jamais décidé de relever dans ses 40 années d’existence; il est surtout le plus grand défi politique qu’elle n’ait jamais affronté !
L’Euro n’est qu’un instrument. En soi, il est neutre. Il est donc vain de l’accuser de tous les maux comme de le parer de toutes les vertus. Il servira l’Europe selon ce que ses peuples et ses dirigeants en feront.


 

Mot de bienvenue de Franck Biancheri pour les euro-conférences du 28 novembre 1997: « Demain l’Euro »

 

Le passage à la monnaie unique constitue non seulement le plus vaste défi économique et monétaire que l’Union Européenne n’ait jamais décidé de relever dans ses 40 années d’existence; il est surtout le plus grand défi politique qu’elle n’ait jamais affronté !

 

En effet, même si les aspects techniques des modalités du passage à l’Euro sont d’une grande complexité et vont devoir requérir de la part des autorités publiques communautaires, nationales et locales, une mobilisation sans précédent pour pouvoir informer directement 350 millions d’Européens, ils ne représentent qu’une faible part des problèmes qui se dressent sur le chemin de la monnaie unique.

 

La plus importante part, et c’est l’opinion partagée par l’ensemble du réseau PROMETHEUS-EUROPE, est constituée par l’enjeu politique au coeur du défi de l’Euro: faire adhérer les opinions publiques à la logique qui rend nécessaire l’introduction de la monnaie unique.

 

Cette adhésion est nécessaire dès aujourd’hui, même si le traité de Maastricht rend, en droit, cette introduction inéluctable (mais l’histoire montre régulièrement qu’elle décide souverainement du droit ; et rarement le contraire), car elle seule peut donner aux dirigeants politiques actuels la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour poursuivre les politiques d’assainissement des finances publiques et des grands équilibres dans lesquels ils sont engagés. Elle seule peut déconnecter aux yeux des citoyens la relation Euro-austérité qui s’impose à tort peu à peu.

 

Cette adhésion est nécessaire demain quand chaque peuple découvrira que la vraie logique qui se cache derrière la monnaie unique se résume à deux concepts simples, mais impératifs, discipline et solidarité:

 

  • discipline de chacun par rapport aux règles et critères édictés par tous ;
  • solidarité de tous par rapport aux difficultés de chacun.

Ce sont les pays les plus laxistes qui doivent apprendre une certaine discipline ; ce sont les pays les plus riches qui doivent apprendre une certaine solidarité.

 

Au-delà des aspects monétaires et économiques, c’est donc à une véritable évolution des mentalités que conduit la monnaie unique. Sans cette évolution, elle échouera. Pour que cette évolution soit possible et réussie, il faut l’adhésion des peuples faute de voir les dirigeants renoncer aux contraintes par peur de désaveux électoraux.

 

Et pour que les peuples adhèrent, il apparaît essentiel à PROMETHEUS-EUROPE de rappeler encore et toujours l’élément clé que nous répéterons au long de ces conférences « Demain L’Euro« : l’Euro n’est qu’un instrument. En soi, il est neutre. Il est donc vain de l’accuser de tous les maux comme de le parer de toutes les vertus. Il servira l’Europe selon ce que ses peuples et ses dirigeants en feront. Il est un instrument puissant qui peut assurer la longévité de l’Union Européenne, lui donner une place dans le monde qui servira la prospérité et la paix et imposer les nécessaires évolutions politiques permettant aux citoyens de mieux contrôler le processus communautaire.

 

Mais si l’apparition de ce nouvel instrument est mal gérée politiquement, si l’occasion de créer alors un vaste espace démocratique communautaire où les citoyens, et non plus seulement les institutions, pourront s’approprier l’UE, par le vote et le choix, comme toujours en démocratie, alors les inévitables turbulences que générera inévitablement le passage à l’Euro peuvent se retourner contre le projet communautaire lui-même.

 

Face au passage à l’Euro, à ce stade, que chacun oriente ses revendications là où elles sont légitimes :

 

  • que ceux qui estiment qu’il existe un grave déficit démocratique à combler d’urgence (et PROMETHEUS-EUROPE en fait partie), orientent leurs critiques sur le fonctionnement des institutions, leurs modes de contrôle et la quasi absence de représentation des citoyens; mais qu’ils n’en blâment pas la monnaie unique;
  • que ceux qui s’inquiètent pour l’avenir de la diversité de l’Europe et de ses cultures (et PROMETHEUS-EUROPE attache une grande importance à ces valeurs), veillent à la clarification du principe de subsidiarité et aux questions de droit des minorités (nous sommes tous des minorités dans l’UE) et rejoignent les partisans de la démocratisation.

 

Aujourd’hui l’Euro est lancé et une grande partie de l’avenir de la construction communautaire est désormais liée à son succès ou son échec. Qu’il ne cristallise pas toutes les rancoeurs ou les déceptions accumulées mais au contraire qu’il rassemble tous ceux qui savent que la pire des réalités pour l’Union Européenne pourrait être de la voir incapable de relever ce défi central qu’elle s’est donnée à elle­ même , voilà le souhait de PROMETHEUS-EUROPE.

 

Le temps d’après 2002, le temps de l’Euro, devra sans conteste être un temps de remise en cause et de reconstruction de la partie non monétaire et non économique de l’édifice communautaire. Pour pouvoir construire demain cette Europe plus ouverte, plus transparente, plus efficace et plus démocratique que PROMETHEUS-EUROPE, avec des dizaines de millions d’Européens appelle de ses voeux, il lui faut d’abord pouvoir reposer sur deux jambes solides le Marché unique et la Monnaie unique.

 

Le premier a été fait en 1992; la seconde surviendra dix ans après en 2002. Alors, avec les jeunes générations, nous pourrons nous atteler à donner à l’UE ce corps et ce visage humain que tous attendent.

 

C’est en tout cas le sens de cette formidable action « Demain l’Euro » que lance PROMETHEUS-EUROPE avec le soutien de la Commission européenne, qui touchera, en deux ans 70.000 organisations dans 23 villes de 14 états membres et pour laquelle je tiens à remercier tout particulièrement Leandra Vatri et Thessa Romani de Witt pour leurs efforts décisifs et bénévoles qui ont permis la tenue de ces évènements simultanés! Leur action comme celles de tous les autres bénévoles de PROMETHEUS-EUROPE et des dizaines d’organisations qui ont rendu ces conférences possibles doit être fortement remerciée prouvant que monnaie, bénévolat et Europe peuvent faire bon ménage ensemble! Bon présage pour l’avenir!

 

Franck Biancheri (1997), Président de PROMETHEUS-EUROPE: Mot de bienvenue sur les euro-conférences « Demain l’Euro » organisées par Prometheus-Europe le 28 novembre 1997

 

 


 

[Note de l’éditeur, mars 2018] – Demain l’Euro douze euro-conférences organisées simultanément à Amsterdam, (Barcelone), Bari, Birmingham, Bologna, Bordeaux, Copenhague, Lille, Munich, Nijmegen, Oxford, Perugia, le 28 novembre 1997!

 

Afin de préparer ces opinions publiques et d’ouvrir avec elles le débat politique de l’Euro qui dès lors s’imposait, Franck Biancheri avait initié fin 1997 une série de euro-conférences intitulées « Demain l’Euro«  organisées par Prometheus-Europe -dont il était le président, le même jour, le 28 novembre 1997 (il y a 20 ans!) simultanément dans 12 villes européennes, démontrant une fois de plus son attachement à la dimension transeuropéenne comme cadre de débat sur les questions européennes et les défis technologiques qu’ils ne cessaient de relever pour démontrer qu’en Europe c’était possible.

 

A l’époque, alors que l’Euro n’en était qu’à ses premiers émois d’embryon en gestation, Franck Biancheri, en avait déjà pesé depuis longtemps tous les défis politiques et donc démocratiques que la mise en place de la monnaie unique feraient peser sur son futur et le futur de l’Europe.

 

En 1997 Franck Biancheri parlait déjà de politiques d’assainissement des finances publiques et de Euro-austérité, de conflits des cultures économiques: discipline des pays les plus laxistes et solidarité des pays les plus riches, de l’Euro pour toujours et d’espace démocratique communautaire des euro-citoyens, d’une réussite du projet reposant sur la nécessaire adhésion des opinions publiques. Une adhésion qu’il jugeait certes nécessaire dès la mise en place de la monnaie unique, mais surtout après: « quand chaque peuple découvrira que la vraie logique qui se cache derrière la monnaie unique se résume à deux concepts simples, mais impératifs, discipline et solidarité« …

 

Vingt ans plus tard (mars 2018) force est de constater que l’euro-monnaie n’a pas conduit à cette euro-citoyenneté attendue. Par contre, la crise de l’Euro de ces dix dernières années, qui a interpelé les Grecs sur la question de la discipline et les Allemands sur celle de la solidarité, a démontré toute la justesse des anticipations de Franck Biancheri et fait regretter que ses initiatives uniques à l’époque n’aient pas été plus soutenues et suivies.

 

LEAP2020 et les éditions Anticipolis ont publié un Cahier Spécial: « L’Euroland dans tous ses états« , une compilation de textes rédigés par une quinzaine d’auteurs dont le but est de rendre compte de la vigueur du débat sur cette réforme afin d’inciter les citoyens à mieux s’en saisir, dans un souci qui est le nôtre depuis 30 ans : la démocratisation européenne (cf article sur le site).

 

 

Commandez le Cahier spécial « L’Euroland dans tous ses états » de LEAP2020 en format électronique, auprès de Anticipolis pour le prix de 5 euros: