« La réflexion sur l’avenir n’a de sens que si elle est permet de mieux réfléchir sur le présent et les tendances qui le façonnent »
(FB - 1998)
« Les forces anti-démocratiques et xénophobes de l’Europe ont toujours été attirées par le rêve d’unité européenne, la mystique de la Rome impériale »
(FB - 1998)
" Etre citoyen est un acte bénévole "
(FB - 2009)

20-26 Mars 2006 – Déclenchement d’une crise mondiale majeure : « La fin de l’Occident tel qu’on le connaît depuis 1945 » (GEAB n°2 – Février 2006)

Nous estimons désormais à plus de 80% la probabilité que la semaine du 20 au 26 Mars 2006 voit se déclencher la principale crise politique mondiale depuis la Chute du Rideau de Fer en 1989, accompagnée d’une crise économique et financière d’une ampleur comparable à celle de 1929.

Cette semaine de la fin Mars 2006 marquera le point d’inflexion d’évolutions critiques, entraînant une accélération de tous les facteurs conduisant à une crise majeure, même sans intervention militaire américaine ou israélienne contre l’Iran. Dans le cas d’une telle intervention, les probabilités d’une crise majeure atteignent 100%, selon LEAP/E2020.

L’annonce de cette crise résulte de l’analyse de décisions prises par les deux acteurs-clés de la crise internationale principale actuelle que sont les Etats-Unis et l’Iran :

  • il s’agit d’une part de la décision iranienne d’ouvrir à Téhéran le 20 Mars 2006 la première bourse pétrolière en Euros, ouverte à tous les producteurs de pétrole de la région ;
  • et d’autre part, de la décision de la Réserve Fédérale américaine d’arrêter à partir du 23 Mars 2006 de publier les chiffres de M3 (l’indicateur le plus fiable sur la quantité de dollars circulant dans le monde[1]).

Ces deux décisions constituent à la fois les indices, les causes et les conséquences de la transition historique en cours entre l’ordre créé après la 2° Guerre Mondiale et le nouvel état d’équilibre international en gestation depuis l’effondrement de l’URSS. Leur magnitude comme leur simultanéité vont agir comme un phénomène catalyseur de toutes les tensions, faiblesses et déséquilibres accumulés depuis plus d’une décennie dans le système international.

Nous avons ainsi identifié 7 crises convergentes (dont les deux premières sont analysées dans la section Télescope du présent numéro de GEAB) que les décisions américaine et iranienne de la semaine du 20 au 26 Mars 2006 vont catalyser en crise globale, affectant toute la planète dans les domaines politique, économique, financier, et probablement militaire : perte de confiance dans le Dollar, explosion des déséquilibres financiers américains, crise pétrolière, disparition du leadership américain, défiance vis-à-vis du monde arabo-musulman, inefficacité de la gouvernance mondiale et incertitudes sur la gouvernance européenne.

La suppression de la publication de M3 par la Réserve Fédérale américaine illustre désormais l’impuissance des autorités monétaires et financières américaines et internationales face à une situation qui les conduit à préférer supprimer les indicateurs plutôt qu’agir sur la réalité.

La « monétarisation » de la dette américaine est par ailleurs un terme très technique pour décrire une réalité d’une simplicité catastrophique : les Etats-Unis entreprennent de ne pas rembourser leur dette, ou plus exactement de la rembourser en « monnaie de singe ». Et ils anticipent une accélération du processus fin Mars en coïncidence avec le lancement de la Bourse Iranienne du Pétrole qui ne peut que précipiter les ventes de Bons du Trésor US par leurs détenteurs non-américains. Le choix de l’administration américaine va générer en outre une perte totale de confiance chez ses principaux alliés qui sont aussi souvent les principaux détenteurs de Dollars US (Royaume-Uni, Pays-Bas, Japon, …[2]). Les conséquences diplomatiques, stratégiques et militaires en seront profondes et durables.

Parallèlement, afin d’essayer d’éviter en interne l’explosion de la « bulle immobilière » sur laquelle repose l’essentiel de la consommation des ménages américains, et à un moment où le taux d’épargne américain est devenu négatif pour la première fois depuis 1932 et 1933 (au creux de la « Grande Dépression »), l’administration Bush, en partenariat avec le nouveau patron de la Fed, adepte de cette approche monétaire, va inonder le marché américain de liquidités.

La conjonction, non accidentelle, des décisions iranienne et américaine, marque donc une étape décisive dans le déclenchement d’une crise systémique marquant la fin de l’ordre international tel que constitué après la Deuxième Guerre Mondiale et se caractérisera notamment d’ici la fin 2006 par une chute brutale de la valeur du Dollar US (pouvant conduire à 1 Euro = 1,70 Dollars en 2007) provoquant une immense pression à la hausse sur l’Euro, une hausse importante du prix du pétrole (plus de 100$ le baril), une aggravation de la situation militaire américaine et britannique au MoyenOrient, une crise budgétaire, financière et économique américaine comparable par son ampleur à celle de 1929, des conséquences économiques et financières très graves pour l’Asie en particulier (et notamment la Chine), mais aussi pour le Royaume-Uni[3], un arrêt brutal du processus économique de globalisation, un effondrement de l’axe transatlantique et une montée générale connexe de tous les dangers politiques intérieurs et extérieurs sur l’ensemble du globe.

Pour les entreprises et les gouvernements, en particulier européens, il s’agit désormais de prendre les décisions stratégiques et opérationnelles ad hoc dès aujourd’hui afin d’amortir considérablement le « tsunami monétaire, financier et économique » qui va commencer à déferler sur la planète dès la fin du mois prochain. Pour prendre une image simple – qui est d’ailleurs directement issue du scénario d’anticipation politique « USA 2010 »4 -, les évènements de la semaine du 20 au 26 Mars 2006 auront un impact sur l’ « Occident » tel qu’on le connaît depuis 1945 comparable à celui de la Chute du Rideau de Fer en 1989 sur le « Bloc soviétique ».

Pour l’Euroland en particulier, cette crise va constituer le vrai test de pérennité. En effet, face à la hausse brutale et forte de l’Euro et à la déstabilisation générale des marchés et de l’économie mondiale, l’Euroland va être soumis à des pressions contradictoires résultant de défis contradictoires : . d’une part, un défi économique immense à relever pour maintenir la compétitivité des entreprises de la zone Euro accompagné d’un défi social de même ampleur pour préserver l’emploi européen qui risque de générer des forces centripètes – chaque pays de la zone euro étant tenté de chercher son salut par lui-même ;

. et d’autre part, un besoin impérieux de stabilité et de protection face à un environnement mondial devenu totalement imprévisible, induisant des forces centrifuges.

Pour LEAP/E2020, c’est la qualité de la gouvernance de l’Euroland lors de cette crise qui déterminera le cours des choses. Ce point est d’ailleurs l’objet du Focus 1 du présent numéro.

A ce stade, seule une action directe et immédiate de l’administration américaine visant d’une part à empêcher une confrontation militaire avec l’Iran, et d’autre part, à ne pas « monétariser » la dette extérieure des Etats-Unis, pourrait désormais changer le cours des évènements. Il semble évident que les dirigeants actuels à Washington ont au contraire choisi de « forcer  le destin » en se défaussant de leurs problèmes économiques et financiers sur le reste du monde.  Les gouvernements européens notamment doivent en tirer très rapidement les conséquences.

 

Franck Biancheri in GEAB n° 2 du 16 février 2006

 


 

 

[1] Les informations sur la création par le gouvernement iranien d’une bourse pétrolière en euros

(http://www.mehrnews.com/en/NewsDetail.aspx?NewsID=260851) ont commencé à être citées par la presse spécialisée dès l’été 2004. La Réserve Fédérale a annoncé le 10 Novembre 2005 qu’elle cesserait de publier les informations concernant M3  à partir du 23 Mars 2006 : http://www.federalreserve.gov/releases/h6/discm3.htm

[2] Source : Banque des Règlements Internationaux,  Table 9A, Consolidated Claims of Reporting Banks on Individual Countries

[3] Le Royaume-Uni est en effet détenteur de près de 3.000 milliards de créances en $, soit près du triple de pays comme la France ou le Japon.

(source Banque des Règlements Internationaux,  Table 9A, Consolidated Claims of Reporting Banks on Individual Countries) 4 Cf. GlobalEurope Anticipation Bulletin N°1 (Janvier 2006)