« La réflexion sur l’avenir n’a de sens que si elle est permet de mieux réfléchir sur le présent et les tendances qui le façonnent »
(FB - 1998)
« Les forces anti-démocratiques et xénophobes de l’Europe ont toujours été attirées par le rêve d’unité européenne, la mystique de la Rome impériale »
(FB - 1998)
" Etre citoyen est un acte bénévole "
(FB - 2009)

Le Président, l’Europe et les Jeunes. Rencontre avec Jacques Chirac: de Newropeans 2000 au référendum français sur la Constitution européenne (2005)

J’ai pu constater combien Jacques Chirac était un communiquant particulièrement efficace dans ce type d’exercice. Le 7 Avril au soir, pour convaincre, il faudra néanmoins qu’il ait aussi une vision claire sur l’UE qu’il souhaite voir émerger après l’adoption de la Constitution. (Franck Biancheri, 01/04/2005)

 

Le président français Jacques Chirac aux côtés de Franck Biancheri lors de la conférence finale du Congrès Newropeans 2000 le 7 octobre 2000 dans le Grand Amphithéatre de la Sorbonne (Paris)

 

7 octobre 2000, Jacques Chirac et Franck Biancheri sont assis côté à côté face aux 2000 étudiants européens réunis dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, à l’occasion du Congrès organisé par Prometheus-Europe « Newropeans 2000: Nouvelle Europe, Nouveaux Défis, Nouvelles Générations« . Le Président français était venu clôturer aux côtés de Franck Biancheri les trois journées de travaux du congrès organisé dans le cadre de la présidence française de l’UE, et s’était prêté à une séance de questions qui avait duré près d’une heure.

2005, dans le cadre de la campagne référendaire sur la Constitution européenne Jacques Chirac avait accepté de participer à un débat télévisé sur la Constitution avec des jeunes. Pour Franck Biancheri la personnalité de « communiquant efficace » de Jacques Chirac n’était cependant plus suffisante pour convaincre des jeunes générations « devenues très critiques sur le projet communautaire… ».

Nous republions ici une lettre ouverte qu’il avait signée à la veille de ce débat à l’attention du Président français.

 

Le Président, l’Europe et les Jeunes

 

En tant qu’organisateur du congrès Newropeans 2000 « Nouvelle Europe, Nouveaux Défis, Nouvelles Générations » qui, en Octobre 2000, avait accueilli le Président de la République française au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, j’ai eu le privilège d’observer directement Jacques Chirac en action, devant un public jeune (2.000 étudiants venus de toute l’Europe), sur la thématique européenne.

 

Ayant eu aussi à deux reprises l’opportunité de participer à l’Elysée à des débats entre le Président François Mitterrand et de jeunes Européens d’Aegee-Europe, d’abord lors d’un déjeuner qui permit le déblocage du financement du programme Erasmus en Mars 1987, puis lors de la clôture d’un congrès d’étudiants européens et africains en Mai 1988, j’ai pu me faire quelques opinions sur l’efficacité d’un dialogue « Président français-Jeunes » sur les thèmes européens.

 

Alors, à la veille de ce rendez-vous présenté comme très important puisqu’il constitue l’entrée du Président de la République française dans le débat référendaire français de la Constitution européenne, je voudrais partager ces analyses avec les lecteurs de Newropeans-Magazine.

 

La retransmission télévisée en direct d’une telle rencontre modifie bien entendu plusieurs paramètres par rapport à ce type de débats dans le cadre d’un congrès ou d’un comité plus restreint ; cependant certains éléments me paraissent intangibles.

 

Tout d’abord, de quels jeunes s’agit-il ? Des étudiants seulement ou un groupe plus large, incluant des jeunes hors du cursus universitaire ? Si ce sont des étudiants, l’Europe comme projet d’avenir positif passera plus facilement que si ce sont des jeunes qui ont dû arrêté plus tôt leurs études.

 

Cependant, il faudra prendre garde à ne pas citer encore une fois Erasmus, comme exemple de l’action de l’UE pour les jeunes et l’avenir. Pourquoi ? parce que pour ces jeunes, Erasmus commence à faire « vieux » car il date d’il y a 18 ans, quand ces jeunes venaient de naître! Et aussi, parce que le programme, comme beaucoup d’échanges européens, souffrent d’une image d’élitisme.

 

En la matière, pour convaincre, le Président devrait pouvoir lancer une piste nouvelle pour l’avenir, traitant à la fois d’une formation plus intégrée des élites européennes (les « airbus universitaires » par exemple, proposé par Boris Walbaum et le groupe des Belles Feuilles), et d’une démocratisation des échanges, moins longs mais plus nombreux, pour la majorité des étudiants.

 

Car, et ne nous y trompons pas, si ce ne sont pas des jeunes « caricaturaux » (par exemple, recrutés au sein des mouvements de jeunesse « Oui-Oui », qui doivent représenter aujourd’hui moins d’1% d’une génération), ils auront des opinions sur ce qui les concerne directement (études, emploi, …) et des questions dérangeantes sur tous les sujets. Je me souviens que Jacques Chirac m’avait demandé « Où avez-vous trouvé ces jeunes car ils sont excellents ? » après l’exercice de questions-réponses de deux heures à La Sorbonne. Ma réponse avait été simple : « là où ils se trouvent, dans près de 200 universités de plus de 25 pays d’Europe ».

 

Si la sélection est aussi représentative de la jeunesse française (et peut-être européenne), il sait donc que la qualité du débat sera au rendez-vous. Sinon, ce sera un exercice vain, voire négatif pour la Constitution.

 

Surtout qu’aujourd’hui, à la différence d’il y a 5 ans, les jeunes générations sont devenues très critiques sur le projet communautaire actuel. Cela se reflète dans les sondages et je le constate tous les jours dans les débats que je fais sur le terrain en France ou ailleurs. Ils semblent attendre une vision d’avenir qui n’est fournie par personne jusqu’ici dans la classe politique et ont tendance, vu leur âge, à être très exigeant en la matière, car in fine, l’avenir, c’est là où ils passeront l’essentiel de leur vie !

 

Réussir ce « grand oral » sur l’Europe et la Constitution, devant ces jeunes, peut être ainsi l’occasion idéale pour redynamiser la crédibilité du Oui, en traçant les grandes lignes de l’UE qui peut être construite demain. Pour cela il ne faudra pas hésiter à être critique du présent, et des limites de la Constitution, faute de ne pas vraiment être en phase avec ces mêmes jeunes … et risquer de conforter l’idée d’un décalage entre l’attente d’Europe et sa réalisation.

 

J’ai pu constater combien Jacques Chirac était un communiquant particulièrement efficace dans ce type d’exercice. Le 7 Avril au soir, pour convaincre, il faudra néanmoins qu’il est aussi une vision claire sur l’UE qu’il souhaite voir émerger après l’adoption de la Constitution.

 

Franck Biancheri,

01/04/2005 -> Le Président, l’Europe et les Jeunes