« La réflexion sur l’avenir n’a de sens que si elle est permet de mieux réfléchir sur le présent et les tendances qui le façonnent »
(FB - 1998)
« Les forces anti-démocratiques et xénophobes de l’Europe ont toujours été attirées par le rêve d’unité européenne, la mystique de la Rome impériale »
(FB - 1998)
" Etre citoyen est un acte bénévole "
(FB - 2009)

Vers un Pacte Economique Européen au lieu d’un Pacte de Stabilité (Franck Biancheri, 2003)

En ce sens, le fameux Pacte (de stabilité) est un Pacte d’Instabilité politique programmée.

Un Pacte économique européen correspond à une exigence politique et économique de l’UE alors que le Pacte de stabilité n’est qu’un fantasme de banquier (centraux ou autres) qui n’a aucun sens politique, ni aucun sens économique.

 

L’UE a besoin d’un Pacte qui garantisse son développement économique et social ainsi que sa cohésion. Avec l’introduction de l’Euro, la première exigence devient fondamentale pour assurer la prospérité de l’ensemble de l’EuroLand (plus personne ne s’en sortira sans les autres) ; et du fait de l’élargissement, l’exigence de cohérence se renforce puisque la disparité des membres s’accroît.

 

Donc, en effet, il faut bien un Pacte économique européen dont le noyau dur est la zone Euro.

 

Mais doit-on avoir un Pacte de Stabilité ?

 

Dès l’origine, nombre d’observateurs politiques européens (dont votre serviteur) ont fait remarquer qu’il était illusoire d’imaginer qu’un gouvernement élu s’incline devant des autorités administratives (Commission et BCE) au risque de perdre les élections suivantes ; et que s’il le faisait, on pouvait être certain que cela allait nourrir les extrêmes droites et gauches et renforcer les tendances anti-européennes. Contrairement à ce que nombre de bureaucrates (fonctionnaires ou banquiers) peuvent croire, une démocratie se gère efficacement par des méthodes démocratiques, et non pas par des règles administratives.

 

Le face-à-face des tandems ‘politique/opinion publique’ et ‘eurocrates/banquiers centraux’ ne peut avoir comme conséquence qu’un accroissement de l’instabilité politique et sociale de l’UE.

 

En ce sens, le fameux Pacte (de stabilité) est un Pacte d’Instabilité politique programmée.

 

Cette instabilité est d’ailleurs là. Il suffit de constater combien les débats sur la valeur, la validité, l’utilité, le respect … du Pacte de Stabilité occupent les médias européens pour se rendre compte que loin de stabiliser l’UE, il déstabilise les Européens. Les échanges virulents entre leaders politiques européens, les accusations mutuelles de « mépriser les petits » ou d’ « ignorer les contraintes des grands » sont devenues quotidiennes et commencent à empoisonner le débat public européen comme les enceintes destinées à préparer l’avenir (exemple, les débats à la Convention Intergouvernementale sur la future Constitution).

 

Donc instabilité politique croissante, agressivité renforcée du débat européen, danger sur les décisions concernant l’avenir, voilà déjà un beau bilan pour notre fameux Pacte. Mais, me direz-vous, tout cela est sérieux ! Il s’agit de notre avenir commun, de notre prospérité à tous ! Alors la prospérité de demain vaut bien quelques tensions aujourd’hui.

 

Cela irait sans dire s’il s’agissait bien de cela. Mais, hélas, il n’en est rien. Où sont les fondements économiques du Pacte de Stabilité ? Où sont les « lois « économiques qui fixent à 3% le déficit budgétaire ou à 60% du PIB la dette publique ? Et à 2% l’objectif d’inflation maximale ? Nulle part !

 

Qu’il faille des règles ? Absolument. Qu’une fois fixée, tout le monde, sans exception, s’y tiennent ? Totalement. Mais, que ces règles répondent au principe de réalité, et non pas à des fantasmes de contrôleurs budgétaires, ou de « baby-boomers » vieillissants valorisant la stabilité à tout prix au détriment de l’évolution et de la dynamique.

 

Le principe de réalité actuellement (et j’insiste sur ce mot car au XXI° siècle la réalité est mouvante … et rend peu efficace les règles intangibles) nous impose de constater que l’Euro venant de se mettre en place, tout le monde en Europe, des banquiers centraux aux gouvernements en passant par les acteurs économiques et les citoyens découvrent l’immense étendue de son impact sur nos systèmes économiques et sociaux ; et apprend au jour le jour à l’intégrer dans ses stratégies. Nous sommes donc dans une phase d’apprentissage qui durera encore 2 à 4 années. Si nous sommes dans une phase d’apprentissage, quatre conclusions simples s’imposent :

 

  • personne n’a la vérité absolue sur l’Euro et la gestion de la zone Euro : pas plus les banquiers centraux que les ministres des finances ou bien les entreprises et les syndicats ou encore les économistes;
  • la flexibilité est nécessaire pendant quelques années pour éviter de « violer » une nouvelle réalité économique que nous connaissons encore si mal (et au lieu d’avoir une flexibilité imposée par la réalité et qui empoisonne l’atmosphère communautaire, choisissons – là);
  • il faut « récompenser » les acteurs qui réussissent au lieu d’être obsédés par la « punition » des joueurs en difficulté. Dans une situation encore mal connue, il est en effet plus facile (pratiquement et légitimement) de discerner ceux qui a priori semblent agir dans le « bon sens » que de chercher à condamner ceux qui ne jouent pas bien;
  • il est nécessaire d’être inventifs pour stimuler les acteurs notamment en s’éloignant de la seule panoplie bancaire des « sanctions » (la notion de sanctions budgétaires pour un pays déjà en déficit budgétaire est totalement inepte, économiquement et politiquement) pour explorer le duo « récompense-sanction » dont dispose l’UE (par exemple, primes aux fonds régionaux ou structurels communautaires, ou au contraire suppression d’une partie de ces fonds selon « comportement Euro », accumulation de points de déficits cumulables dans les périodes positives pour être disponibles dans les périodes sombres « budget euromiles »).

 

En résumé, la méthode, les critères et les instruments sont inadéquats dans l’actuel Pacte de Stabilité.

 

En conséquence de quoi, la marche vers un pacte économique européen peut s’envisager sereinement :

 

  1. fixer les objectifs avec une marge de manœuvre progressivement réduite d’ici 2006 (date du grand rendez – vous budgétaire européen);
  2. orienter le pacte vers la prospérité (idéal partageable par tous les Européens) et non pas la stabilité (un conce pt antinomique avec l’avenir);
  3. innover dans les instruments en passant d’une logique de sanction à une logique d’incitation (notamment en mobilisant les politiques communautaires à vocation structurelle).

 

L’Euro ne réussira économiquement et politiquement (les deux sont indissociables) que si sa gestion n’est pas fondée sur des comportements de chargés de compte sanctionnant des débits non autorisés.

 

Franck Biancheri, Europe2020 – 24/11/2003