« La réflexion sur l’avenir n’a de sens que si elle est permet de mieux réfléchir sur le présent et les tendances qui le façonnent »
(FB - 1998)
« Les forces anti-démocratiques et xénophobes de l’Europe ont toujours été attirées par le rêve d’unité européenne, la mystique de la Rome impériale »
(FB - 1998)
" Etre citoyen est un acte bénévole "
(FB - 2009)

L’UE, les gens, les 4×4 et les kilomètres: transparence, démocratie, pédagogie, et climat! (2008)

Franck Biancheri, 29/08/2005

 

Les nouvelles de ces dernières semaines l’illustre bien : les affaires européennes sont désormais les affaires des gens au quotidien.

 

Ainsi, à la mi-Juillet, la Commission européenne a décidé de lancer une procédure visant à mettre en place d’ici 2008 de nouvelles normes (dites « Euro 5 ») plus sévères sur les émissions de gaz à effet de serre et de particules (pour les moteurs diesel) ; au passage cela va impliquer l’intégration des 4×4 dans les véhicules particuliers et non plus des utilitaires légers, et avoir donc un impact direct sur des millions d’automobilistes.

 

Hier cette même Commission a entrepris de remettre à l’ordre du jour la vieille promesse britannique d’adopter intégralement le système métrique. Là aussi, des piliers de pubs aux automobilistes d’Outre-Manche, les conséquences seront directes et importantes au quotidien.

 

Ces derniers jours, les institutions communautaires (Conseil, Parlement, Commission) bruissent de déclarations et de promesses qu’on allait voir ce qu’on allait voir sur la capacité de l’UE à organiser (d’ici 2006 !) une force d’intervention commune de protection civile, afin d’éviter que l’UE ne continue à intervenir qu’après la fin des catastrophes naturelles dévastant des régions entières de l’UE. Là encore, ces décisions et leur mise en œuvre affecteront la vie (et dans ce cas c’est vraiment le mot juste) de centaines de milliers d’Européens touchés par les incendies, les inondations ou les tremblements de terre.

 

Pourtant, nos 450 millions de concitoyens ne sont que spectateurs de toutes ces décisions. Les institutions européennes ne les associent nulle part au processus.

 

Loin de moi pourtant l’idée de nier l’utilité de ces mesures. Au contraire. J’ai été très surpris d’apprendre que les 4×4 étaient encore classés en « utilitaires légers » et pouvaient de ce fait échapper aux contraintes des véhicules particuliers en terme de consommation d’essence et de pollution. La plupart des 4×4 n’affrontant comme seuls « obstacles naturels » que les graviers du chemin menant à une maison secondaire ou le trottoir surélevé permettant de se garer là où c’est interdit, j’ai en effet beaucoup de mal à reconnaître leur nature « utilitaire ». En revanche, en ces temps de lutte contre la pollution et la surconsommation de carburants fossiles, je n’ai aucun mal à les percevoir comme des facteurs illégitimes de sur-pollution. Donc, en avant pour cette reclassification en véhicule particuliers ! En revanche, ce qui m’inquiète c’est que dans un cas (leur exemption passée) ou dans l’autre (leur reclassification), aucun de citoyens de l’UE n’a la moindre idée de qui influence et qui décide, illustrant le formidable besoin de transparence et de démocratisation système communautaire.

 

On retrouve cette même exigence en ce qui concerne l’ «histoire sans fin » des Britanniques et du système métrique. Il est en effet plus qu’étonnant de constater qu’après s’être engagé à l’adopter lors de son adhésion, le Royaume-Uni a tout simplement abandonné son effort ; et que les institutions européennes (Commission en tête en tant que gardienne des traités) ont « oublié » de s’en apercevoir. Là encore : qui décide ? et pourquoi maintenant et pas hier ? S’il ne fait aucun doute que sur le continent où se développe un fort sentiment populaire questionnant la pertinence de continuer l’intégration européenne avec le Royaume-Uni (suite notamment aux affaires de la« vache folle », de l’Irak, du rabais budgétaire, … ), un tel rappel au gouvernement de Sa Gracieuse Majesté sera largement apprécié dans l’opinion publique ; il n’en reste pas moins que l’absence de transparence sur les motifs des prises de décision pose un problème démocratique grave. Là encore, je n’ai pas de difficultés avec le fond de la décision (j’y ajouterai même la normalisation des « prises électriques » britanniques), mais je n’accepte pas cette procédure qui apparaît encore et toujours comme arbitraire et non contrôlée.

 

Enfin, revenons sur les promesses et déclarations martialo-humanitaires de nos ministres et commissaires européens à propos d’une force d’intervention commune de protection civile. L’objectif est louable et le besoin évident. Il ne fait aucun doute que c’est un sujet qui peut aisément intéresser un très large public dans l’UE. Pourtant je n’entend nulle part un dirigeant proposer d’organiser un vaste débat européen public sur ce thème alors même qu’au cœur de cette question on trouve les idées centrales du projet communautaire : mise en commun des ressources et des moyens, pour faire face à des dangers communs. Qui va payer, et comment ? Qui va s’engager et comment ? Comment faire travailler ensemble des pompiers de pays et de langues différentes ? Faut-il construire des équipements communs ? Doit-on créer des équipes permanentes ou au contraire faire fonctionner en réseau européen les moyens nationaux de protection civile ?

 

Voilà donc un sujet populaire, possédant de grandes vertus pédagogiques sur les principes et les objectifs de la construction européenne, qui pourtant ne sera pas utilisé par le système communautaire actuel, incapable d’en saisir la portée politique. Ce même système reste en revanche persuadé que continuer à parler du projet de Constitution européenne constitue un acte de pédagogie démocratique et européenne ; alors même que pour les peuples cette Constitution est morte et enterrée.

 

Nos politiques ont oublié que leur premier rôle en démocratie est d’être des pédagogues. Sinon, ils se souviendraient (et les bureaucrates avec eux) qu’un bon pédagogue part toujours d’un sujet qui intéresse son public, pour ensuite le conduire à aborder des sujets plus complexes et/ou rébarbatifs. C’est ça le secret des bons politiques européens, capables de faire partager à leurs concitoyens les enjeux et les possibilités du projet communautaire. Mais, hélas, cela fait de nombreuses années qu’on n’en a plus vu un seul en action.

 

Franck Biancheri, 29/08/2005

 

pdf à télécharger ici: L’UE, les gens, les 4×4 et les kilomètres (FB Documentation)

 

 

Note de l’éditeur (2019):

Menschen in orangenen Jumpsuits blockieren die Straße, um gegen SUVs zu demonstrieren.